Le grand retour de la rente viagère ?
Historiquement éclipsée par l'assurance vie qui présente
l'avantage de la disponibilité des fonds, la rente viagère redevient
financièrement attractive dans un contexte de taux d'intérêt très bas,
même pour les jeunes retraités. Un retour pour l'instant discret mais qui
pourrait prendre de l'ampleur si les tensions déflationnistes
persistaient. Décryptage.
Les actifs le savent, leurs pensions de retraite issues des régimes
obligatoires seront le plus souvent insuffisantes pour couvrir leurs
dépenses. Ils doivent se constituer un capital pour la retraite. Quand
arrive le moment où le capital doit être converti en revenus, la question
se pose d'optimiser ces revenus. Grâce à la mutualisation du risque de
longévité, la rente permet de jouir d'un revenu viager, c'est-à-dire
jusqu'à la fin de ses jours, avec un capital réduit. Pourtant, les français
ont jusqu'à présent préféré procéder à des rachats réguliers sur leurs
assurances-vie. Ce choix était rationnel il y a encore quelques années
mais qu'en est-il aujourd'hui ?
Le match rente viagère/assurance vie
Avantage à l'assurance vie pour la
disponibilité. La rente présente l'inconvénient de transférer la
propriété des fonds à un organisme d'assurance (aliénation du capital). Il
est ensuite impossible de puiser dedans en cas de besoin alors que la
disponibilité est totale pour l'assurance vie. Pourtant la rente a aussi
ses avantages.
Avantage à la rente pour le niveau des revenus et la sécurité. Une femme de 65 ans qui convertit un capital de 100 000 € en rente
viagère obtient une rente d'environ 4 500 € par an. L'aliénation du
capital pouvait sembler mal prise en compte il y a encore quelques années
puisque des retraits partiels programmés sur une assurance-vie en euros
permettait d'atteindre un montant assez proche sans entamer le capital.
Ce raisonnement inexact car ne prenant pas en compte la revalorisation
annuelle de la rente, ne devrait plus faire d'ombre à la rente viagère
puisque les revenus que l'on peut attendre d'une assurance vie en euros
sont plutôt autour de 2 500€ l'an, et encore en supposant que le taux des
emprunts d'état ne restera pas durablement autour de 1,6%...
Pour obtenir des retraits de 4 500 € sur une assurance-vie avec une
revalorisation de 1% l'an (correspondant à la différence entre le
rendement des actifs de 2,5% et le taux technique* de la rente de 1,5%),
il conviendrait de consommer complètement les capitaux placés. Cela
conduirait à ne plus disposer d'aucun revenu au bout de 25 ans. Or, à 65
ans, l'espérance de vie d'une femme est aujourd'hui d'environ 27 ans. On
comprend dès lors tout l'intérêt de la rente viagère : la mutualisation
entre un grand nombre d'assurés permet de garantir à chacun une rente à
vie là où le placement individuel d'un capital risquerait d'être épuisé
avant même que son espérance de vie ne soit franchie.
Enfin, la rente viagère limite les incertitudes liées au rendement des
actifs puisqu'elle intègre par avance un rendement minimum (1,5% souvent
actuellement). Bien que paraissant modeste, ce rendement minimum pourrait
se révéler, si l'environnement économique et financier que nous
connaissons aujourd'hui devait se maintenir sur le moyen terme, supérieur
au rendement du support en euros d'une assurance vie...
Rente viagère et décès : des options existent pour
protéger la famille
La rente viagère est souvent accusée d'être très défavorable en cas de
décès prématuré en raison de l'aliénation de capital. Mais cela est sans
compter sur les options offertes par les bons contrats de rente. La rente
viagère peut être réversible au profit du conjoint survivant,
partiellement ou en totalité. L'assureur peut également garantir qu'elle
sera versée, quoi qu'il arrive, pendant un nombre minimum d'années (rente
dite « à annuités garanties »). Ainsi, si le rentier décède de façon
prématurée, la rente sera servie aux personnes qu'il aura désignées
jusqu'à ce que le nombre d'années convenu soit atteint. Il peut même
prévoir que les capitaux non consommés seront transmis aux bénéficiaires
désignés (garantie décès). Enfin, la rente peut également prévoir une
majoration en cas de survenance d'une perte d'autonomie liée au grand âge
ou des paliers de hausse.
Toutes ces options ont un coût, leur intérêt doit donc être évalué en
fonction de la situation de chacun. A titre illustratif, le coût de la
réversion dépend du taux de réversion mais aussi de la différence d'âge
entre le rentier et son conjoint. Il réduit, par exemple, d'environ 9
% le montant de la rente pour des conjoints du même âge et un taux de
réversion de 60 %. De même, pour bénéficier de la garantie décès, le
coût est de l'ordre de 10% de la rente pour un souscripteur de 65
ans.
En conclusion, il nous semble que la rente
viagère doit désormais être considérée comme un instrument intéressant
pour compléter ses revenus, y compris pour les jeunes retraités, au même
titre que l'immobilier de rendement ou l'assurance vie. Dans le cadre
d'une approche diversifiée, la rente peut utilement constituer le socle le
plus sécuritaire du revenu viager nécessaire à assurer les dépenses
essentielles de vie.
* Derrière le mot barbare de « taux
technique » se cache tout simplement un taux de revalorisation pendant
la phase de rente, qui vous est acquis dès la conversion du capital en
rente et se trouve donc intégré immédiatement dans le montant servi.
Plus ce taux est élevé, moins la rente est revalorisée en cours de
service.
Publié le 08 Septembre 2014 |