Rente viagère : des vertus cachées par la
complexité
La rente viagère, difficile à estimer, a mauvaise presse.
Pourtant, elle constitue un moyen de bénéficier d'un complément de revenu
jusqu'au décès, aussi tardif soit-il.
Les actifs le savent, leurs pensions de retraite issues des régimes
obligatoires seront le plus souvent insuffisantes pour couvrir leurs
dépenses. Ils doivent se constituer un capital pour la retraite. Quand
arrive le moment où le capital doit être converti en revenus, la rente est
souvent jugée peu attractive. Pourtant, grâce à la mutualisation du risque
de longévité, la rente permet de jouir d'un revenu viager, c'est-à-dire
jusqu'à la fin de ses jours, avec un capital réduit. Un bon outil dont il
faut cependant bien décrypter les paramètres techniques afin d'en
optimiser l'utilisation.
Plus attractive qu'il n'y paraît
La rente présente l'inconvénient de transférer la propriété des fonds à
un organisme d'assurance (aliénation du capital). Il est ensuite
impossible de puiser dedans en cas de besoin et les fonds sont perdus pour
les héritiers en cas de décès, même si des possibilités de réversion
existent. Pourtant la rente a aussi ses avantages.
Préserver son autonomie financière. Un homme de 60 ans
qui convertit un capital de 100 000 € en rente viagère obtient une
rente d'environ 4 600 € par an. L'aliénation du capital peut sembler
mal prise en compte puisque des retraits partiels programmés sur une
assurance-vie en euros permettrait d'atteindre un montant assez proche,
sur la base d'une rentabilité de 4,5 % l'an.
Mais ce raisonnement est inexact car, sous la même hypothèse de
rentabilité des actifs (4,5 %), la rente serait revalorisée d'environ
2,5 % l'an. Pour obtenir des retraits de 4 600 € sur une
assurance-vie avec une même revalorisation de 2,5 %, il conviendrait
d'entamer les capitaux placés. Cela conduirait à ne plus disposer d'aucun
revenu au bout de 27 ans.
Ne pas sous-estimer son espérance de vie. Or, à 60 ans,
l'espérance de vie d'un homme est aujourd'hui comprise entre 27 et 28 ans.
On comprend dès lors tout l'intérêt de la rente viagère : la mutualisation
entre un grand nombre d'assurés permet de garantir à chacun une rente à
vie là où le placement individuel d'un capital serait épuisé dès que
l'espérance de vie serait franchie.
Taux technique : théorie trompeuse
Le niveau de référence de la rente servie est déterminé à la fois par les
tables de mortalité, les frais prélevés par l'assureur, les options
éventuelles choisies (annuités garanties, réversion...) et le taux
technique retenu.
Escompte d'un rendement minimum. Derrière le mot barbare
de « taux technique » se cache tout simplement un taux de revalorisation
pendant la phase de rente, qui vous est acquis dès la conversion du
capital en rente et se trouve donc intégré immédiatement dans le montant
servi. Plus ce taux est élevé, moins la rente est revalorisée en cours de
service. Une rente à taux technique nul sera donc, dans un premier temps,
plus faible qu'une rente intégrant un taux technique de 2 % mais
deviendra, au contraire, plus forte ensuite (cf. graphique ci-contre). Les
choses s'équilibrent sur une durée voisine de l'espérance de vie. Plus le
rentier vivra longtemps, plus il sera gagnant en choisissant une rente à
taux 0 %, du moins en théorie.
De la théorie à la pratique. La réalité est un peu
différente car la revalorisation des rentes par l'assureur dépend des
résultats financiers (revenus et plus-values des actifs placés) mais aussi
des résultats techniques (bénéfices ou pertes provenant d'une surmortalité
ou d'une sous-mortalité). Or les rentes sont généralement mutualisées au
maximum au sein d'une compagnie d'assurances et les nouvelles rentes
pâtissent d'anciennes rentes trop généreuses (prise en compte insuffisante
de l'allongement de la durée de la vie dans la tarification). De ce fait,
les résultats sont faibles et les revalorisations servent prioritairement
à honorer les engagements de taux technique, par exemple à 1 ou 2 %.
C'est pourquoi les rentes à taux technique faible sont souvent mal
revalorisées. En la matière, un « tiens » (le taux technique) vaut mieux
que deux « tu l'auras » (la revalorisation hors taux technique) !
Des options pour tous les besoins
S'agissant des autres options, tout dépendra de la situation personnelle
du rentier. La rente viagère peut être réversible au profit du conjoint
survivant, partiellement ou en totalité. L'assureur peut également
garantir qu'elle sera versée, quoi qu'il arrive, pendant un nombre minimum
d'années (rente dite « à annuités garanties »). Ainsi, si le rentier
décède de façon prématurée, la rente sera servie aux personnes qu'il aura
désignées jusqu'à ce que le nombre d'années convenu soit atteint. La rente
peut également prévoir une majoration en cas de survenance d'une perte
d'autonomie liée au grand âge ou des paliers de hausse.
Toutes ces options ont un coût. Celui de la réversion dépend du taux de
réversion mais aussi de la différence d'âge entre le rentier et son
conjoint. Il réduit, par exemple, d'environ 11 % le montant de
la rente pour des conjoints du même âge et un taux de réversion de
60 %. De même, pour bénéficier de 10 annuités garanties, le coût est
de l'ordre de 6 % de la rente pour un homme de 60 ans.
Complémentarité. Si la rente viagère mérite d'être
davantage utilisée dans les stratégies de perception de revenus, surtout
lorsque le patrimoine est limité, elle ne convient qu'à la partie des
revenus strictement nécessaires pour couvrir les charges incompressibles
de vie. Au- delà, l'utilisation de solutions permettant de conserver la
disponibilité des capitaux est préférable : assurance-vie, immobilier
locatif...
La prise en compte de la fiscalité peut compliquer la donne, et la
recherche d'une véritable optimisation économique peut conduire à
utiliser, dans un premier temps, une assurance-vie avec des retraits
partiels programmés puis, dans un second temps, une conversion en rente
pour assurer le risque viager.
Publié le 30 Janvier 2009 |