Rechercher :
Accueil La société Informations Outils Services Produits Contacts
Connexion Enregistrez-vous
Retour à l'accueil > Informations > Les assurances-vie ne sont plus insaisissables
Inscription à la newsletter
Inscrivez vous gratuitement à notre Newsletter !
voir un exemple
Pour nous contacter
Nos partenaires

Les assurances-vie ne sont plus insaisissables

Désormais le fisc peut faire saisir des contrats d'assurance-vie pour des dettes d'impôt. À la suite d'une condamnation pénale, une confiscation peut aussi avoir lieu. Les contrats d'épargne retraite ne sont pas concernés.

« Le sujet met mal à l'aise dans la profession », avoue, embarrassé, le responsable d'une compagnie d'assurances qui ne veut pas en dire plus... L'assurance-vie est désormais saisissable par le fisc, selon une loi votée à la fin de l'année dernière (loi du 6 décembre 2013 n° 2013-1117). Des discussions sont en cours avec le ministère du Budget pour préciser la portée de cette révolution. Jusqu'à maintenant, l'assurance-vie était le seul placement insaisissable par les créanciers, quels qu'ils soient. Une situation tenant à la nature juridique de l'assurance-vie, qui devenait de plus en plus critiquable, tant les intentions de certains souscripteurs n'étaient pas toujours celles d'épargnants paisibles : du chef d'entreprise en difficulté voulant échapper à ses dettes à l'aigrefin organisant son insolvabilité.

La loi pouvait-elle durablement considérer ce pactole (1 463 milliards d'euros d'encours) qui représente près de 40 % de l'épargne financière des Français comme un coffre-fort inviolable, alors que le ministère des Finances mène la vie dure aux fraudeurs du fisc et tente de les priver des avantages du secret bancaire à l'étranger ? Or l'assurance-vie, en l'état du droit, présente l'avantage d'un paradis fiscal où mettre son argent à l'abri du fisc temporairement, sans passer les frontières!

L'article L. 134-14 du code des assurances est explicite : « Le capital ou la rente garantis (...) ne peuvent être réclamés par les créanciers du contractant ». La jurisprudence des tribunaux est tout aussi claire, la Cour de cassation ayant réaffirmé à maintes reprises que l'assurance-vie est intouchable (cass. civ., 1re ch., 2 juillet 2002, pourvoi n° 99-14 819). Dès lors, toutes les tentatives des créanciers et des administrations pour mettre la main sur cet argent ont échoué. Pourtant, deux brèches sont ouvertes à partir de cette année.

Une première brèche, la saisie en cas de condamnation pénale

La loi n° 2010-768 du 9 juillet 2010 a introduit un article 706-155 dans le code de procédure pénale pour permettre la confiscation d'une assurance-vie lorsque l'argent placé provient d'une infraction. La chambre criminelle de la Cour de cassation a appliqué ce texte dans une affaire connue d'abus de faiblesse. Une personne proche d'une femme âgée très riche et en état de dépendance avait réussi à convaincre celle-ci de lui faire donation de beaucoup d'argent. Une grosse partie avait été placée sur des contrats d'assurance-vie. Après une plainte de la fille de la victime, le magistrat instructeur avait ordonné la restitution des fonds dès lors que les versements résultaient directement de cet abus de faiblesse (30 octobre 2012, pourvoi n° 12-84961). La Cour suprême a toutefois censuré l'ordonnance de saisie parce que le juge d'instruction ne pouvait que « geler » les capitaux, sans exiger le transfert immédiat des fonds détournés. Dans une autre affaire très récente (cass. crim. 8 janvier 2014, pourvoi n° 12-88072), un escroc avait organisé son insolvabilité et déposé le fruit de ses détournements de plus de 600 000 € sur une assurance-vie souscrite à la Banque postale au nom de son ancienne épouse. Son avocat soutenait, entre autres arguments, que « la nature du contrat d'assurance-vie... empêchait qu'il puisse être considéré comme étant inclus au titre des espèces » saisissables. Les juges ont rejeté cette défense et appliqué l'article L. 131-21 du code pénal permettant de confisquer l'argent.

Résolution judiciaire du contrat

Une nouvelle disposition de la loi du 6 décembre 2013 (article 22) rend la règle encore plus claire : elle prévoit que la condamnation définitive par une juridiction pénale à la peine de confiscation d'une assurance-vie entraîne sa « résolution judiciaire » et le transfert des fonds à hauteur de la créance (nouvel article L. 160-9 du code des assurances). Seul problème : que deviennent alors les droits des bénéficiaires désignés dans les contrats ? Le ministre du Budget, Bernard Cazeneuve, s'en est expliqué : « La résolution judiciaire du contrat permet de remettre l'ensemble des acteurs dans la situation antérieure à la constitution d'un contrat dont l'origine est frauduleuse. Cette résolution empêchera que ces actifs illicites entrent dans le patrimoine d'un tiers désigné au contrat ». Traduction : peu importe les bénéficiaires, même s'ils ont déjà accepté leur désignation (laquelle acceptation rend normalement les fonds indisponibles par rachat pour le souscripteur). La résolution efface tout rétroactivement. Et le ministre d'adresser une mise en garde : « L'organisme gestionnaire, s'il respecte l'obligation de vigilance en matière de lutte contre le blanchiment à laquelle il est assujetti, évitera tout risque lié à l'anéantissement rétroactif du contrat vicié ».

Une seconde brèche, le droit de saisie du fisc

Jusqu'à la loi du 6 décembre 2013, l'administration fiscale poursuivant l'encaissement d'impôts impayés ne pouvait pas réaliser de saisies sur des fonds placés en assurance-vie, même issus d'une fraude. Elle avait recommandé à ses agents de passer outre cette interdiction en soutenant que la jurisprudence consacrait seulement une « indisponibilité temporaire » jusqu'au dénouement de l'assurance-vie (instruction 12-C-6-98, consécutive à l'arrêt de principe de la Cour de cassation du 28 avril 1998, pourvoi n° 96-10333). Mais, dans une affaire examinée ensuite par la Cour de cassation (cass. civ., 1re ch., n° 99-14819 du 2 juillet 2002), les juges ont rappelé Bercy à l'ordre. À l'origine de ce recadrage, le Trésor public avait adressé un avis à tiers détenteur à la compagnie Cardif pour se faire régler une dette fiscale sur l'assurance-vie détenue par un chef d'entreprise. Les juges suprêmes ont annulé cette saisie au motif que l'assurance-vie est une créance « éventuelle », donc insaisissable.

Troisième manche : Bercy l'emporte finalement... L'article 41 de la loi du 6 décembre 2013 rectifie le tir sur ce point en permettant aux comptables du Trésor public d'utiliser les procédures simplifiées de saisie afin d'appréhender des fonds placés en assurance-vie. Fini, donc, le principe d'insaisissabilité de l'assurance-vie ! Du moins pour les assurances-vie « rachetables ». Ce qui exclut, en revanche, du champ de la saisie les contrats d'assurance-vie collective de retraite d'entreprise (dits « article 83 » par référence au code général des impôts), lesquels ne peuvent se conclure que par le versement d'une rente viagère au moment de la cessation d'activité professionnelle. Restent aussi insaisissables par le fisc les contrats « retraite Madelin » des commerçants, artisans, chefs d'entreprise, professions libérales comme les PERP assurance.

Le nouvel article L. 263-0 A du Livre des procédures fiscales autorise désormais les saisies à tiers détenteur (pour toute dette d'impôt), les oppositions à tiers détenteur (pour les créances locales) et les oppositions administratives (pour les amendes) adressées aux compagnies d'assurances en France. La mesure concerne autant l'argent placé sur le fonds en euros qu'en unités de compte d'un contrat multisupport. Elle devrait augmenter le rendement des quelque 4,7 millions d'avis à tiers détenteur envoyés chaque année par les perceptions, dont seulement 1 million aboutissaient jusqu'alors, l'encours d'impayés atteignant actuellement 11 milliards d'euros. Enfin, le fisc va disposer d'une nouvelle arme avec la création du fichier Ficovie qui lui permettra de rendre plus facilement identifiables les assurances-vie saisissables.

Les créanciers privés lésés

Avec cette petite révolution, Bercy vient d'ouvrir la boite de Pandore... Ces nouveaux textes de loi contribuent à poser à nouveau la question de la nature juridique de l'assurance-vie, dont dépend largement son traitement fiscal... En outre, se pose aussi la question des droits des autres créanciers, publics ou privés, car cette épargne demeure toujours à l'abri de leurs réclamations. Mais jusqu'à quand ? En effet, ces autres créanciers voudraient, eux aussi, légitimement pouvoir récupérer leur argent face à des débiteurs parfois peu scrupuleux.

À suivre...

Remarque : Contrats souscrits à l'étranger : qui déclare quoi ?
La loi française ne peut rien imposer aux assureurs étrangers ; ce sont les souscripteurs, s'ils sont fiscalement résidents en France, qui doivent déclarer avec leur déclaration de revenus les références des contrats, la date d'effet et la durée de ces contrats ainsi que les opérations de retrait. La loi de finances 2014 impose en outre de déclarer les versements au cours de l'année précédente et la valeur de l'épargne au 1er janvier de l'année de la déclaration. Pour les prélèvements sociaux, la règle est la même, que la compagnie soit basée en France ou à l'étranger. L'imprimé 2778 doit être envoyé à l'administration par le titulaire du contrat ou par la compagnie mandatée à cet effet.

Le FICOVIE, le nouveau fichier des assurances-vie

Jusqu'à présent l'administration fiscale n'avait pas d'information sur les contrats d'assurance-vie. Elle ne savait rien ou presque puisqu'il n'existait qu'une obligation de déclaration en cas de retrait par le souscripteur ou de dénouement par décès. Désormais, les assurances-vie vont être fichées. Selon la loi de finances rectificative pour 2013, article 10, « les entreprises d'assurance, les institutions de prévoyance... ainsi que les mutuelles... établies en France, déclarent la souscription et le dénouement des contrats de capitalisation ou des placements de même nature, notamment des contrats d'assurance-vie ».

Pour les contrats d'assurance-vie dits « rachetables » (retrait et rachat possibles), la loi précise que l'assureur devra communiquer chaque 1er janvier, « quelle que soit leur date de souscription », les sommes versées et l'encours. Excepté si l'actif n'excède pas 7 500 €. Il semble que ce soit 7 500 € par contrat, ce qui permettrait d'en posséder plusieurs sous le seuil de déclaration. Pour l'assurance-vie non rachetable (contrat d'épargne retraite type PERP, « article 83 », « Madelin »), l'assureur n'a à communiquer ni sa valeur ni les versements (excepté après les 70 ans du souscripteur). Grâce à ce fichier, l'administration saura tout ce qu'une personne possède en assurance-vie et connaîtra tous les mouvements d'argent effectués.

Afin d'éviter les transferts de fonds d'ici l'entrée en vigueur du fichier en 2016, le ministre de l'Économie, Pierre Moscovici, a été clair : « les assureurs doivent déclarer à l'administration tout rachat d'un contrat ». Les mouvements de plus de 50 000 €, dit-on, risquent d'être fortement surveillés.

Publié le 02 Mai 2014

Mentions Légales - CNILConditions Générales d'Utilisation
Plan du siteLiens